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Actualités juillet 2024

Ouverture de la télécorrection pour la déclaration des revenus 2023

 

En cas d’erreur dans votre déclaration des revenus de 2023, vous pouvez recourir au service de correction en ligne, accessible sur le site www.impots.gouv.fr à partir du 31 juillet et jusqu’au 4 décembre 2024.

Au printemps dernier, vous avez télédéclaré vos revenus. Si, après réception de votre avis d’impôt 2024, vous vous apercevez d’un oubli ou d’une erreur, sachez que vous pouvez encore rectifier votre déclaration grâce à au service de correction en ligne. Accessible sur le site www.impots.gouv.fr, dans votre espace sécurisé, cette télécorrection peut être effectuée à partir du 31 juillet et jusqu’au 4 décembre 2024 inclus.

Concrètement, vous pouvez modifier la quasi-totalité des informations (revenus, charges, réductions et crédits d’impôt…) inscrites dans votre déclaration, sauf celles relatives à votre adresse, à votre état civil, à votre situation familiale (mariage, décès…) ou à la désignation d’un tiers de confiance. Et nouveauté cette année, les travailleurs non salariés peuvent rectifier les rubriques du volet social servant au calcul de leurs cotisations personnelles.

À savoir : les éléments relatifs à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) peuvent, eux aussi, être télécorrigés. À ce titre, soulignons que, désormais, pour déterminer la valeur taxable des actions et parts de sociétés détenues par le redevable, les dettes contractées par la société, qui sont relatives à un actif non imposable, ne peuvent plus, dans une certaine limite, être déduites.

Après traitement de cette déclaration rectificative par l’administration fiscale, vous recevrez un nouvel avis d’imposition indiquant l’impôt définitif. Ensuite, votre taux et/ou vos acomptes de prélèvement à la source seront ajustés dans la rubrique « Gérer mon prélèvement à la source ».

Et après le 4 décembre ?

Une fois le service de télécorrection fermé, vous n’aurez pas d’autre choix que de présenter, comme les autres contribuables, une réclamation fiscale pour pouvoir modifier votre déclaration. Une réclamation possible jusqu’au 31 décembre 2026 pour la déclaration des revenus de 2023.

Chirurgiens esthétiques : quid des opérations exonérées de TVA ?

 

En matière de médecine ou de chirurgie esthétique, seuls les actes poursuivant une finalité thérapeutique sont exonérés de TVA, a rappelé le Conseil d’État.

Dans le domaine de la santé, certaines activités bénéficient d’une exonération de TVA. Sont notamment concernés les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées. À ce titre, en matière de médecine ou de chirurgie esthétique, le Conseil d’État a rappelé récemment que seuls les actes qui poursuivent une finalité thérapeutique sont exonérés de TVA, c’est-à-dire ceux qui sont dispensés dans le but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des personnes qui, à la suite d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap physique congénital, nécessitent de faire l’objet d’une telle intervention.

À noter : dans cette affaire, l’administration fiscale avait remis en cause l’exonération de TVA appliquée par une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) d’un médecin exerçant l’activité de chirurgie plastique et esthétique en raison du caractère non thérapeutique d’une partie des actes réalisés, à savoir ceux qui n’avaient pas été effectivement remboursés par l’Assurance maladie. Pour établir le caractère thérapeutique des actes en cause, et bénéficier de l’exonération de TVA, la Selarl avait produit un tableau, établi par ses soins, avec la mention « acte remboursable ou non selon les circonstances », estimant que la qualification thérapeutique des actes dépendait de l’appréciation du médecin. Insuffisant, ont estimé les juges, tout comme le rapport d’expertise analysant 10 dossiers choisis au hasard sur la base des données transmises par la Selarl sans examen des patients.

Conseil d’État, 31 mai 2024, n° 476051

Une rupture conventionnelle peut être requalifiée en démission !

 

Lorsque le consentement de l’employeur à la signature d’une rupture conventionnelle est obtenu au moyen de manœuvres dolosives du salarié, cette rupture peut être requalifiée par les juges en démission.

La rupture conventionnelle homologuée permet à l’employeur et au salarié de mettre un terme, d’un commun accord, à un contrat à durée indéterminée. Pour être valable, le consentement du salarié doit être libre et éclairé. Autrement dit, il ne doit pas être obtenu à la suite d’une erreur, d’un dol ou d’un acte de violence. Sinon, la rupture conventionnelle peut être annulée par les juges, produisant ainsi les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais qu’en est-il lorsque c’est le consentement de l’employeur qui est vicié ?

Dans une affaire récente, un salarié exerçant les fonctions de responsable commercial avait conclu une rupture conventionnelle avec son employeur. Un an plus tard, ce dernier avait saisi la justice en vue de faire annuler la rupture. Selon lui, son consentement avait été obtenu à la suite de manœuvres dolosives de la part du salarié. Et pour cause, celui-ci avait demandé à bénéficier d’une rupture conventionnelle afin de se reconvertir professionnellement dans le management. Alors qu’en réalité, il projetait de créer une entreprise au sein du même secteur d’activité que son employeur, un projet auquel deux anciens salariés étaient d’ailleurs associés.

Saisies du litige, la Cour d’appel de Toulouse ainsi que la Cour de cassation ont relevé que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments qu’il savait déterminant pour son employeur. Et ce, afin d’obtenir son consentement à la signature d’une rupture conventionnelle. Elles en ont déduit que le consentement de l’employeur avait été vicié par des manœuvres dolosives du salarié et donc que la rupture conventionnelle devait être annulée. Dès lors, la rupture du contrat de travail, qui était intervenue aux torts du salarié, devait être requalifiée en démission.

À savoir : les juges ont condamné le salarié à verser à l’employeur 20 334 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis due en cas de démission et à lui rembourser l’indemnité de rupture du contrat de travail qu’il avait perçue (18 775 €).

Cassation sociale, 19 juin 2024, n° 23-10817

CDD : quel impact sur la période d’essai d’un CDI ?

 

La durée globale des CDD doit être déduite de la période d’essai du CDI conclu postérieurement avec le même salarié. Et ce, dès lors qu’il a exécuté ces contrats sans discontinuité fonctionnelle.

Lorsqu’il est embauché en contrat à durée indéterminée (CDI), un salarié peut se voir appliquer une période d’essai qui, en principe, ne peut pas dépasser 2, 3 ou 4 mois selon le poste de travail concerné. Sachant que, pour fixer la durée de cette période d’essai, l’employeur doit déduire la durée des contrats à durée déterminée (CDD) qu’il a conclus avec le salarié antérieurement au CDI. À ce titre, la Cour de cassation est venue apporter des précisions quant à la prise en compte de ces CDD dans le calcul de la période d’essai.

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en tant qu’infirmière en CDI à la suite de 3 CDD exécutés dans la même société. Ce CDI, conclu à la date du 4 septembre, prévoyait une période d’essai de 2 mois. Quelques jours plus tard, son employeur avait notifié à la salariée la rupture de sa période d’essai avec prise d’effet le 17 septembre. Mais cette dernière avait saisi la justice afin d’obtenir la requalification de la rupture de sa période d’essai en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, selon elle, la durée globale des 3 CDD exécutés, à savoir 2 mois et 14 jours, devait être déduite de la durée de la période d’essai prévue dans son CDI (2 mois). Ce qui, en pratique, avait pour effet de réduire cette période à néant.

De leur côté, les juges d’appel estimaient que seule la durée du dernier CDD (un mois) devait être prise en compte puisqu’il s’était écoulé un mois entre le début de ce contrat et la fin du CDD précédent. Ce qui portait la fin de la période d’essai de la salariée au 4 octobre. Aussi, pour elle, la rupture de la période d’essai par l’employeur, en date du 17 septembre, était bien régulière.

Mais pour la Cour de cassation, c’est bien la durée globale des 3 CDD qui devait être déduite de la période d’essai du CDI. Et pour cause, la salariée avait, au moyen de ces 3 contrats, exercé en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle. Peu important le délai d’un mois qui s’était écoulé entre les 2 derniers CDD. Aussi, la période d’essai prévue dans le CDI de la salariée ne pouvait pas s’appliquer et la rupture de cette période par l’employeur devait être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’affaire est donc renvoyée devant les juges d’appel.

Cassation sociale, 19 juin 2024, n° 23-10783

 

Bilan du contrôle fiscal pour 2023 : 15,2 Md€ réclamés !

 

Selon le dernier rapport d’activité de la Direction générale des Finances publiques, 15,2 Md€ ont été réclamés auprès des contribuables au titre du contrôle fiscal en 2023, contre 14,6 Md€ en 2022 (+4,1 %).

La Direction générale des Finances publiques (DGFiP) a publié son rapport d’activité pour 2023. S’agissant de la lutte contre la fraude fiscale, il en ressort que 15,2 Md€ de redressements (impôt et pénalités) ont été réclamés auprès des particuliers et des entreprises suite aux contrôles fiscaux en 2023, contre 14,6 Md€ en 2022 (+4,1 %). Quant au montant effectivement encaissé par l’État, il est évalué à 10,6 Md€, un niveau équivalent à celui de 2022.

Précision : les redressements ont concerné principalement l’impôt sur les sociétés (3,2 Md€), les droits d’enregistrement (3 Md€), l’impôt sur le revenu (2,2 Md€) et la TVA (2,1 Md€).

En pratique, 255 058 contrôles sur pièces (c’est-à-dire à distance) ont été menés auprès des entreprises en 2023, dont 132 056 au titre des demandes de remboursement de crédits de TVA.

Ces résultats sont notamment le fruit du recours au « datamining » qui permet de mieux cibler les contrôles. Encore une fois en progression, plus de 56 % de la programmation du contrôle fiscal des entreprises a été réalisée grâce à cette technologie en 2023 (+7,7 % par rapport à 2022). L’utilisation du datamining se développe aussi dans le ciblage de la fraude patrimoniale des particuliers. L’objectif étant de porter à 50 % la part des contrôles des particuliers ciblés par l’intelligence artificielle d’ici à 2027.

À noter : grâce à l’intelligence artificielle et aux photographies aériennes de l’Institut géographique national, 140 000 piscines taxables ont été détectées en 2023 (contre 20 000 en 2022), représentant 40 M€ de taxe foncière supplémentaire. Cette méthode de détection a vocation à s’étendre aux autres constructions non déclarées.

SARL : les modalités de consultation des associés sont modernisées

 

Dans les SARL, la faculté de recourir à la consultation écrite des associés, y compris par voie électronique, est généralisée et celle de tenir les assemblées générales à distance est élargie.

Les règles de fonctionnement et de gouvernance des sociétés ont été simplifiées par la récente loi « Financement des entreprises et attractivité de la France ». Ainsi, notamment, dans les SARL, la faculté de recourir à la consultation écrite des associés, y compris par voie électronique, est généralisée et celle de tenir les assemblées générales à distance est élargie.

Le recours à la consultation écrite.

Actuellement, dans les SARL, à condition que les statuts le prévoient, la prise de décisions collectives par consultation écrite des associés est possible, sauf pour les décisions relatives à l’approbation des comptes. Le recours à la consultation écrite des associés est également possible dans les sociétés en nom collectif (SNC), dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) et dans les sociétés civiles lorsque les statuts le prévoient.

La loi nouvelle dispose que, dans les SARL, la consultation écrite, y compris par voie électronique, pourra être utilisée même pour la décision d’approbation des comptes (à condition que les statuts le prévoient). Et dans les SNC et dans les sociétés civiles, la consultation écrite pourra désormais avoir lieu par voie électronique. C’est déjà le cas dans les SAS.

À noter : ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à une date qui sera fixée par un décret et au plus tard le 13 septembre 2024.

La tenue des assemblées générales à distance.

Actuellement, dans les SARL, lorsque les statuts le prévoient, les associés peuvent participer à distance aux assemblées générales, par visioconférence ou par un autre moyen de télécommunication permettant leur identification, mais cette dématérialisation ne peut être que partielle. Tous les associés ne peuvent donc pas participer à distance à une AG. Et la tenue d’une AG d’approbation des comptes ne peut pas avoir lieu à distance, tous les associés devant donc être physiquement présents.

La loi nouvelle supprime cette limite en permettant aux AG d’approbation des comptes d’être partiellement dématérialisées lorsque les statuts le prévoient. Le vote par correspondance sera également permis.

À noter : ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à une date qui sera fixée par un décret et au plus tard le 13 septembre 2024.

Art. 18 et 29, loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, JO du 14

Fin de la tolérance sur la fiscalité des meublés de tourisme

 

Le Conseil d’État vient d’annuler la tolérance administrative qui permettait de ne pas appliquer le durcissement des règles d’imposition pour les locations de meublés de tourisme non classés au titre des revenus de 2023.

Lorsqu’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu, les revenus d’une location meublée relèvent des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). À ce titre, jusqu’à présent, le régime micro-BIC était ouvert aux meublés de tourisme non classés à condition que le chiffre d’affaires hors taxes dégagé par cette activité n’excède pas 77 700 €. Et il ouvrait droit à un abattement forfaitaire pour charges de 50 %.

Mais la loi de finances pour 2024 a abaissé ce seuil de 77 700 à 15 000 € et l’abattement pour charges de 50 à 30 %, et ce pour l’imposition des revenus de 2023 et des années suivantes. Ce qui a impliqué, pour les loueurs basculant du régime micro-BIC vers le régime réel en raison de ce tour de vis, de reconstituer, a posteriori, une comptabilité commerciale.

À noter : pour les meublés de tourisme classés et les chambres d’hôtes, le seuil de chiffre d’affaires reste fixé à 188 700 € et l’abattement pour charges à 71 %.

Cependant, ce changement étant le fruit d’une erreur lors de l’adoption de la loi de finances, l’administration fiscale avait admis, pour les loueurs qui le souhaitaient, le maintien des anciennes modalités d’application du régime micro-BIC au titre des revenus de 2023.

Une tolérance qui vient d’être annulée par le Conseil d’État. En effet, selon les juges, l’administration « a incompétemment ajouté à la loi ».

Précision : cette décision est sans incidence pour les loueurs ayant appliqué la tolérance administrative lors de la déclaration de leurs revenus de 2023 effectuée au printemps dernier.

Mais les revenus de 2024 devraient, quant à eux, être concernés par le durcissement des règles d’imposition, sauf nouveau changement législatif… Il est donc conseillé aux loueurs de conserver leurs justificatifs de façon, le cas échéant, à pouvoir déduire leurs charges pour leur montant réel.

Conseil d’État, 8 juillet 2024, n° 492382

Gare à la rédaction de l’objet social d’une SCI !

 

Faute d’être indiqué dans l’objet social d’une SCI, son gérant ne peut pas mettre un bien appartenant à celle-ci à la disposition gratuite d’un associé.

Dans le cadre de la gestion d’un patrimoine immobilier, la société civile immobilière (SCI) peut être un outil intéressant. Toutefois, pour qu’elle réponde à la volonté des associés, il faut porter une attention particulière à la rédaction des statuts.

Ainsi, dans une affaire récente, un associé d’une SCI a fait les frais d’une mauvaise rédaction de l’objet social. Dans cette affaire, une société civile immobilière avait été constituée entre deux époux. Madame étant titulaire de 99 parts et Monsieur d’une seule part. Cette même SCI était propriétaire d’un immeuble de deux étages dont le rez-de-chaussée était donné à bail commercial à une société dont l’époux était gérant. Après la séparation du couple, la SCI, représentée par l’ex-époux, avait consenti à ce dernier un prêt à usage portant sur le 1er et le 2e étage de l’immeuble.

Quelque temps plus tard, lors d’une assemblée générale extraordinaire convoquée par un mandataire judiciaire, la révocation de l’ex-époux de ses fonctions de gérant et la nomination de l’ex-épouse en qualité de gérante avait été actées. De son côté, l’ex-époux avait réclamé à la SCI le remboursement de son compte courant d’associé. La SCI avait répliqué en demandant notamment l’annulation du prêt à usage qui avait été consenti quelques années auparavant.

Une opération pas prévue dans l’objet social

Saisie du litige, la cour d’appel avait annulé le prêt à usage. Elle avait motivé sa décision par le fait que le gérant n’avait pas les pouvoirs pour conclure une telle opération, d’autant plus que cette dernière dépassait l’objet social de la SCI. Saisie à son tour, la Cour de cassation a confirmé cette décision, relevant que les statuts de la SCI n’indiquaient pas, dans l’objet social, la faculté de mettre un immeuble dont elle était propriétaire à la disposition gratuite des associés. Une telle opération ne pouvait donc pas être décidée par le gérant seul et devait être autorisée par l’assemblée des associés statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.

Cassation civile 3e, 2 mai 2024, n° 22-24503

L’Ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées offre un nouveau cadre juridique aux professionnels, plus simple, plus clair et plus sécurisant dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2024.

Avant l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, la législation concernant les professions libérales était complexe et fragmentée. Les textes législatifs antérieurs, comme la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 applicable aux sociétés civiles professionnelles et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 applicable aux sociétés d’exercice libéral, avaient accumulé des modifications au fil des ans, rendant le cadre légal de plus en plus opaque et parfois inadapté aux réalités modernes des professions libérales.
Chaque loi faisait l’objet de nombreux décrets d’application. Si des décrets propres à chaque profession libérale avaient pour avantage de bien préciser le cadre réglementaire applicable à une profession en particulier, plusieurs décrets pouvaient se succéder pour un type de profession, rendant complexe, pour les professionnels concernés, la compréhension de la réglementation applicable.
L’ordonnance du 8 février 2023, publiée au Journal officiel du 9 février 2023, découle de l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 relative à l’activité professionnelle indépendante et répond à un besoin croissant de clarification et de simplification des dispositions législatives concernant les professions libérales réglementées. Le texte, qui regroupe les professions concernées en trois grandes catégories – professions de santé, professions juridiques et judiciaires, professions techniques et du cadre de vie -, présente l’avantage de centraliser les dispositions qui leur sont applicables, qu’elles soient communes ou particulières.

Associés de société de droit commun (SARL, SAS, SA ou SCA) : une nécessaire harmonisation des statuts

La loi Macron du 6 août 2015 avait permis aux notaires, commissaires de justice, avocats, administrateurs ou mandataires, d’exercer sous forme de sociétés de droit commun de type SARL, SAS, SA ou encore SCA. Ces professionnels n’étaient donc plus tenus de constituer des sociétés d’exercice libéral (SEL), l’objectif étant de mettre un terme aux différences de traitement des professionnels libéraux entre eux, certains pouvant constituer des sociétés de droit commun.
Toutefois, la pratique a relevé une inadaptation, pour certaines professions réglementées, de ces sociétés. En effet, il existait un vide juridique sur certaines questions, réglées par les juges pour les sociétés d’exercice libéral, concernant notamment le régime fiscal et social des associés de société de droit commun.
L’ordonnance impose donc à ces professionnels libéraux, à compter du 1er septembre 2024, de mettre à jour les statuts de leur société constituée sous forme de droit commun (SARL, SAS, SA, ou SCA) pour se conformer aux nouvelles exigences légales. En d’autres termes, exit les sociétés de droit commun, place aux SEL !
En sont toutefois exclus les conseils en propriété intellectuelle, les experts-comptables et les commissaires aux comptes qui pourront continuer à exercer sous forme de société de droit commun. Nous déplorons cette disparité entre professions libérales.
Toutes les sociétés existantes (sociétés de droit commun et sociétés d’exercice libéral) auront jusqu’au 31 août 2025 pour procéder à une mise à jour de leurs statuts.
Les statuts devront notamment refléter la nouvelle catégorisation des professions libérales réglementées : professions de santé, juridiques et judiciaires et techniques et du cadre de vie.

À titre d’exemple, l’ordonnance vient mettre un terme, pour les professionnels libéraux exerçant une profession juridique ou judiciaire, à la limite fixée par la loi sur le montant des sommes laissées en compte courant d’associé. Il ne pouvait dépasser trois fois la participation en capital social de l’associé concerné. À compter du 1er septembre 2024, les professionnels juridiques et judiciaires pourront donc organiser comme ils le souhaitent la mise à disposition de sommes à la société.

Toutefois, tel n’est pas le cas des professionnels exerçant une profession médicale, pour lesquels l’ordonnance maintien une limite des sommes laissées à la disposition de la société et renvoie à un décret en Conseil d’État pour les conditions d’application.

Les statuts devront intégrer des clauses de gouvernance renforcées précisant les rôles et responsabilités des dirigeants et des associés.
Les objets sociaux devront être révisés dans certains cas pour les aligner avec les nouvelles régulations. Cela pourra inclure l’ajout de nouvelles activités ou la modification des activités existantes pour correspondre aux possibilités élargies d’investissement et de collaboration interprofessionnelle.
Il conviendra enfin d’adapter tous les documents internes de la société pour refléter les nouvelles dispositions statutaires. Cela inclut notamment les règlements intérieurs et les pactes d’associés.
Une bonne nouvelle toutefois : l’ordonnance du 8 février 2023 n’intègre pas de « clause de retrait » dans les SEL, clause existante dans les sociétés civiles professionnelles (SCP), selon laquelle un associé retrayant peut exiger le rachat de ses parts sociales à ses associés ou à la société dans un délai de six mois à compter de la notification de son retrait, ou dix mois au plus.
À noter également que le capital social des sociétés d’exercice libéral pourra continuer à être détenu par des professionnels n’exerçant pas leur profession dans la société au sein de laquelle ils détiennent des participations, favorisant ainsi les prises de participation croisées et la croissance. L’ordonnance précise toutefois, ce qui n’était pas le cas dans les textes antérieurs, que ces dispositions « ne peuvent bénéficier aux personnes faisant l’objet d’une interdiction d’exercice de la profession ou de l’une des professions dont l’exercice constitue l’objet de la société ».

Sociétés pluriprofessionnelles d’exercice ( SPE)  : bienvenue aux géomètres-experts

Tout comme la loi du 31 décembre 1990, l’ordonnance du 8 février 2023 permet la création de sociétés de sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE).

Toutefois, alors que la loi antérieure permettait à neuf professions de constituer, ensemble, une seule et même structure d’exercice, à savoir, les avocats, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaires de justice, notaires, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, conseils en propriété industrielle, commissaires aux comptes et experts-comptables, l’ordonnance allonge cette liste en ajoutant une profession : les géomètres-experts.
La constitution d’une SPE répondra toujours à des exigences strictes, l’agrément de chaque autorité compétente ou ordres d’inscriptions pour chaque type de profession devant être obtenu et les règles propres à chaque profession devant être respectées.
Les SPE pourront mettre en commun des ressources matérielles et immobilières, ce qui simplifiera la gestion et réduira les coûts opérationnels pour les professionnels libéraux.

Sociétés de participation financières des professions libérales ( SPFPL)  : des avancées juridiques intéressantes mais une fiscalité coupant court, en l’état, à toute opportunité

Les SPFPL sont les sociétés holding pouvant être constituées par les professionnels libéraux. Il ne s’agit pas de structures d’exercice.
Elles étaient limitées à la détention de participations dans des SEL. Elles voient leur périmètre d’investissement élargi.
Si la loi du 31 décembre 1990 prévoyait expressément que les SPFPL pouvaient « exercer toute autre activité sous réserve d’être destinée exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations », cette phrase ayant été largement interprétée par la pratique comme permettant des prises de participation au sein de société ayant pour objet l’investissement immobilier, l’ordonnance précise désormais que les SPFPL peuvent « détenir, gérer et administrer tous biens et droits immobiliers et fournir des prestations de services, sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement au fonctionnement des sociétés ou groupements dans lesquels elles détiennent des participations. Sous cette réserve, elles peuvent notamment détenir des parts sociales ou actions de toute société à forme civile ou commerciale aux seules fins d’acquérir et d’administrer des immeubles ».

L’ordonnance confirme donc ce qui correspond à un véritable besoin des professionnels libéraux dans le cadre de la constitution de leur patrimoine professionnel : ces derniers peuvent donc détenir, par l’intermédiaire d’une holding, des titres de SCI détenant elle-même le bien immobilier acquis pour l’exercice de l’activité professionnel ou investir directement par le biais de leur holding dans un bien immobilier affecté à l’exercice de leur activité professionnelle.
Outre l’intérêt pour le professionnel de ne pas financer l’acquisition d’un bien professionnel à titre personnel, afin notamment de déduire les intérêts d’emprunt, la constitution d’une SPFPL a le mérite de limiter la responsabilité aux dettes de l’associé.
Les SPFPL peuvent également détenir des participations dans des sociétés commerciales « sous réserve que l’objet de ces dernières soit la réalisation de toute activité que les professionnels détenant la société de participations financières libérales sont autorisés à exercer conformément aux règles applicables à chacune des professions ».
Ainsi, elles pourront fournir des services de gestion, d’administration et de coordination pour leurs filiales et participations, ce qui leur permet de jouer un rôle plus actif dans la gestion des sociétés détenues.
Toutefois, cette prise de participation dans des sociétés commerciales n’est offerte qu’aux professionnels juridiques et judiciaires.
Deux autres limites doivent être relevées :

  • Ces dernières ne peuvent prendre des participations dans des sociétés civiles professionnelles qui ne peuvent toujours être constituées qu’entre personnes physiques.
  • La Cour de cassation, dans son arrêt n° 21-20.366 du 19 octobre 2023 a largement limité l’intérêt de la SPFPL en considérant que les dividendes distribués par la société d’exercice à la SPFPL devaient être soumis à charges sociales professionnelles. Cet arrêt a naturellement été largement contesté par les professionnels libéraux, considéré comme étant contraire aux dispositions de l’article L131-6 du Code de la sécurité sociale.
    Le Sénat a été interrogé sur cette décision le 15 février 2024 et nous restons en l’attente d’une réponse.

Renforcement des garde-fous

Face à la montée de la financiarisation de certaines professions libérales (biologistes, vétérinaires, etc.), l’ordonnance vise à garantir l’indépendance des professionnels libéraux dans l’exercice de leur activité, sans influence extérieure qui pourrait compromettre la qualité et l’intégrité de leurs services. Cela est crucial, surtout dans des professions où l’éthique et la responsabilité envers les clients ou patients sont primordiales.
Une surveillance accrue est ainsi laissée aux Ordres professionnels qui demanderont la communication non seulement des règlements intérieurs mais aussi des pactes d’associés. 
Les pactes d’associés, documents par principe confidentiels, régissent souvent des aspects importants tels que la gouvernance, les droits de vote, la répartition des bénéfices et les conditions d’entrée et de sortie des associés. En contrôlant ces actes, les Ordres professionnels vérifieront que les pratiques internes sont conformes aux exigences légales et éthiques (ex : liberté du professionnel libéral dans l’exercice de son art).
Les sociétés (SEL et SPFPL) devront également communiquer une fois par an aux Ordres professionnels concernés, la répartition du capital, la composition des droits de vote et les statuts à jour.
Nous sommes toujours dans l’attente de décrets d’application pour connaître les éventuelles sanctions en cas de non-transmission de ces informations.

Sur les décrets parus

À ce jour, seul le décret n° 2023-1165 du 9 novembre 2023 a été publié. Il est relatif à la liste des professions relevant de la famille des professions juridiques et judiciaires qui sont :

  • les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires,
  • les avocats,
  • les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation,
  • les commissaires de justice,
  • les greffiers des tribunaux de commerce,
  • les notaires.