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Actualités juin 2022

PROJET DE LOI POUR PROTÉGER LE POUVOIR D’ACHAT

 

Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été déposé à l’Assemblée nationale le 7-7-2022. Son examen en procédure accélérée débutera le 18-7-2022. Présentation des principales mesures sociales intéressant les employeurs.

Les dispositions contenues dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat s’organisent autour de trois axes principaux : la protection du niveau de vie des Français, la protection du consommateur et la souveraineté énergétique.

Les mesures concernant la protection du niveau de vie des Français portent notamment sur :

– l’attribution facultative, à compter du 1-8-2022, aux salariés d’une prime de partage de la valeur (PPV) exonérée de cotisations sociales salariales et patronales, dont le régime s’inspire de celui la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) qui pouvait être versée jusqu’en mars 2022 (projet de loi art. 1er) ;
– la faculté pour l’employeur de moins de 50 salariés de mettre en place de façon unilatérale un dispositif d’intéressement, en l’absence d’institutions représentatives du personnel ou en cas d’échec des négociations, et de renouveler par décision unilatérale le dispositif d’intéressement ; l’allongement de la durée des accords d’intéressement de 3 à 5 ans (projet de loi art. 3) ;
– la suppression du contrôle de forme opéré par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) sur les accords et règlements d’épargne salariale déposés à compter du 1-1-2023 (projet de loi art. 3) ;
– l’incitation des branches à négocier sur les salaires et à assurer la conformité de leur minima conventionnels au SMIC (projet de loi art. 4).

 La nouvelle prime de partage de la valeur

Les employeurs auraient la possibilité de verser à compter du 1-8-2022 à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV) d’un montant de 3 000 € ou de 6 000 € paour certains employeurs, exonérée, de façon permanente, mais sous certaines conditions, de cotisations sociales salariales et patronales, et, de façon temporaire, d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS. Le dispositif de la PPV serait donc pérennisé (projet de loi art. 1er). Mais il sera plus prudent d’attendre une adoption définitive de la loi avant de verser la PPV aux salariés.

Employeurs concernés. Pourraient verser la PPV :

– les employeurs de droit privé, y compris les associations et fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et les établissements et services d’aide par le travail (Esat) pour les primes versées aux travailleurs handicapés ;
– les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ;
– les établissements publics administratifs (EPA) lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé.

L’exonération serait également applicable à la prime versée aux travailleurs handicapés bénéficiant d’un contrat de soutien et d’aide par le travail et relevant des Esat.

Conditions du bénéfice de l’exonération. L’exonération de cotisations sociales serait applicable à la PPV qui respecte les conditions suivantes :

– la PPV devrait bénéficier aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail(ou aux agents des EPIC ou EPA), aux salariés intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice attribuant la PPV à ses salariés  et aux travailleurs handicapés liés à un Esat par un contrat de soutien et d’aide par le travail, à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt de l’accord d’entreprise ou de groupe auprès de l’administration ou de la signature de la décision unilatérale l’employeur (DUE) actant le versement de cette prime ;

À noter. Lorsque l’entreprise utilisatrice attribuerait la prime à ses salariés, elle devrait en informer l’entreprise de travail temporaire (ETT) dont relèvent les intérimaires car c’est l’ETT qui verserait la prime aux intérimaires dans les conditions et modalités fixées par l’accord ou la DUE de l’entreprise utilisatrice ; la PPV versée bénéficierait de l’exonération si l’entreprise utilisatrice en remplit les conditions.

– l’employeur pourrait décider de verser la prime à une partie seulement de son personnel et exclure les salariés dont la rémunération serait supérieure à un plafond déterminé par l’accord ou la DUE instituant la prime ;
– le montant de la PPV pourrait être modulé selon les salariés bénéficiaires en fonction de leur rémunération, de leur niveau de classification, de leur durée de présence effective pendant l’année écoulée (notamment pour les salariés entrés en cours d’année) et de la durée de travail prévue par leur contrat de travail (notamment pour les salariés à temps partiel).

À noter. Les congés liés à l’arrivée ou à l’éducation d’un enfant (congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, congé parental d’éducation, congé pour maladie d’un enfant, congé de présence parentale…) seraient considérés comme du temps de présence effective.

– la PPV ne pourrait se substituer à aucun élément de rémunération versé par l’employeur ou devenant obligatoire en vertu de la loi, du contrat de travail  ou d’un usage, ni à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial (de branche ou d’entreprise), par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise.

Mise en place de la PPV par accord collectif ou DUE. Le versement de la PPV, son montant, éventuellement le niveau de rémunération maximal des salariés éligibles et les conditions de modulation du niveau de la prime entre les salariés bénéficiaires devraient être mis en place par :

– un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon des modalités identiques à celles d’un accord d’intéressement ;
– ou par une décision unilatérale de l’employeur (DUE) à condition d’en informer le comité social et économique (CSE), s’il existe, avant son versement.

Plafond d’exonération sociale de la PPV = 3 000 €.  Toutes les PPV versées dans la limite de 3 000 € par salarié bénéficiaire et par année civile et dans les conditions ci-dessus seraient exonérées :

– de toutes les cotisations sociales salariales et patronales d’origine légale ou conventionnelle ;
– de la participation patronale à l’effort de construction ; et
– des contributions patronales au financement de la formation et de l’alternance
 (contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, contribution supplémentaire à l’apprentissage et CPF-CDD 1 %).

Plafond d’exonération sociale majoré à 6 000 €. La limite de l’exonération sociale serait portée à 6 000 € par salarié bénéficiaire et par année civile :

– pour les employeurs soumis à l’obligation de mise en place de la participation (employeurs d’au moins 50 salariés) qui mettent en œuvre à la date de versement de la PPV, ou ont conclu au titre du même exercice que celui du versement de cette prime, un dispositif d’intéressement ;
– pour les employeurs non soumis à l’obligation mise en place de la participation (employeurs de moins de 50 salariés) qui mettent en œuvre à la date de versement de la PPV, ou ont conclu au titre du même exercice que celui du versement de cette prime, un dispositif d’intéressement ou de participation ;
– pour les associations et aux fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général pouvant recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt ;
– pour les Esat, au titre des primes versées aux travailleurs handicapés accueillis en contrat de soutien et d’aide par le travail.

PPV versée aux salariés percevant moins de 3 Smic par mois entre le 1-8-2022 et le 31-12-2023. Lorsque, entre le 1-8-2022 et le 31-12-2023, la PPV serait versée aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant son versement, une rémunération inférieure à 3 Smic, la PPV serait exonérée :

– des cotisations sociales salariales et patronales ;
– de l’impôt sur le revenu (IR) ; et
– de CSG/ CRDS. Dans ce cas, la PPV exonérée est incluse dans le montant du revenu fiscal de référence (CGI art. 141, IV-1°)

À noter : l’exposé des motifs du projet précise que jusqu’au 31-12-2023, la PPV sera totalement exonérée de cotisations salariales et patronales, ainsi que d’impôt pour les salariés qui perçoivent jusqu’à moins de 3 Smic par mois. Pour les autres salariés rémunérés à partir de 3 Smic, ils seront exonérés de cotisations salariales avec un régime fiscalo‑social aligné sur celui de l’intéressement et de la participation, à savoir : un assujettissement de la PPV à l’IR et à la CSG/CRDS, et l’application du forfait social pour l’employeur (qui est exonéré de charges sociales). Après le 31-12-2023, le régime d’exonération des salariés situés en‑dessous de 3 Smic sera aligné sur celui des autres salariés (exonération de cotisations sociales).

À compter du 1-1-2024, toutes les PPV versées seraient intégralement soumises à l’IR et à la CSG/CRDS.

La prime soumise au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement. La PPV serait assimilée, pour l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement. Ainsi, l’entreprise de 250 salariés et plus serait redevable du forfait social lors de l’attribution des PPV, au taux de 20 %, le forfait social étant dû sur la fraction des sommes exonérée de cotisations de sécurité sociale.

La fraction de ces sommes excédant les limites d’exonération serait réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et, par conséquent, ne serait pas soumise au forfait social.

Cumul PPV et ancienne Pepa : plafond d’exonération d’IR. En cas de cumul de versement de l’ancienne Pepa (ayant pu être versée jusqu’en mars 2022) entre la nouvelle PPV versée à partir du 1-8-2022, le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne pourra excéder 6 000 €.

Encourager à la mise en place de l’intéressement

Le projet de loi allonge la durée des accords d’intéressement et permet aux employeurs de moins de 50 salariés de mettre en place de façon unilatérale un dispositif d’intéressement, en l’absence de représentants du personnel (cette possibilité est subordonnée au respect par l’employeur de ses obligations en matière d’instances de représentation du personnel) ou en cas d’échec des négociations. Cette faculté pourrait être utilisée si l’entreprise n’est pas couverte pas un accord de branche agréé prévoyant un dispositif d’intéressement.

Durée des accords d’intéressement. Les accords d’intéressement (et les accords d’intéressement de projet) pourraient être conclus pour 5 ans, au lieu de 3 ans actuellement pour permettre aux entreprises d’adopter une projection sur un plus long terme dans la fixation de leurs objectifs (Projet de loi art. 3).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés. Lorsque l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé (prévoyant un dispositif d’intéressement), l’employeur pourrait mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale, pour une durée comprise entre 1 et 5 ans, dans deux cas :

– si l’entreprise de moins de 50 salariés est dépourvue de délégué syndical (DS) on d’un CSE ; dans ce cas, l’employeur devrait en informer les salariés par tous moyens ;
– si l’entreprise de moins de 50 salariés, dotée d’au moins un DS ou d’un CSE, n’est pas parvenue à négocier un accord d’intéressement au terme d’une négociation. Dans ce cas, un procès‑verbal de désaccord consignant les propositions respectives des parties devrait être établi. Le CSE devrait être consulté sur le projet de régime d’intéressement mis en place par le DUE au moins 15 jours avant son dépôt auprès de la DDETS.

Le régime d’intéressement mis en place par DUE vaudra accord d’intéressement.

Arrivé à échéance, le dispositif d’intéressement mis en place unilatéralement dans les entreprises de moins de 50 salariés pourrait être renouvelé unilatéralement (actuellement, le renouvellement unilatéral est interdit).

Ces mesures entreraient en application dès la publication de la loi.

Procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement. Pour faciliter la diffusion de l’intéressement dans les entreprises, le projet prévoit une procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement pour sécuriser les exonérations dès le dépôt de l’accord. Cette mesure s’appliquerait aux accords d’intéressement déposés à compter du 1-1-2023. 

Dès lors que l’accord d’intéressement aura été rédigé selon une procédure dématérialisée permettant de vérifier préalablement sa conformité aux dispositions légales, les exonérations sociales et fiscales (C. trav. art. L 3312‑4 et L 3315‑1 à L 3315‑3) seraient réputées acquises pour la durée de l’accord dès qu’il aura été déposé auprès de l’administration. Un décret fixerait les modalités de cette procédure dématérialisée.

Pour accélérer la procédure, le contrôle de forme opéré par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) des accords d’épargne salariale (intéressement, participation, PEE) serait supprimé. Le délai de contrôle des accords par les Urssaf serait ainsi réduit d’un mois.

Il ne subsisterait donc plus que le contrôle de fond opéré par les Urssaf pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, qui ne pourrait pas excéder 3 mois pour les accords de participation et les plans d’épargne salariale, ou 5 mois pour les accords d’intéressement. Cette mesure s’appliquerait aux accords d’intéressement, de participation et aux règlements de plan d’épargne salariale déposés à compter du 1-1-2023 pour laisser le temps aux développements informatiques.

Inciter les branches à renégocier sur les salaires au niveau du Smic

Pour inciter les branches à négocier sur les salaires et à mettre leurs grilles de minima conventionnels au moins au niveau du Smic, le ministre chargé du travail pourrait, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés assurant un salaire minimum national professionnel au moins égal au Smic (projet de loi art. 4).

Cette mesure entrerait en application dès la publication de la loi.

AIDE « HAUSSE DU GAZ ET DE L’ÉLECTRICITÉ » PRÉCISÉE

 

Une aide temporaire pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité, particulièrement touchées par la hausse du coût de l’énergie, a été mise en place. Disponible depuis le 4 juillet 2022, un décret apporte des précisions.

Une aide pour quelles entreprises ? Il est précisé que cette subvention est accessible aux entreprises créées avant le 1er décembre 2021, qui ne se trouvent pas en procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à la date de dépôt de la demande et qui ne disposent pas de dette fiscale ou sociale impayée au 31 décembre 2021 (sauf exceptions).

Des entreprises « grandes consommatrices d’énergie ». Sont concernées les entreprises dont les achats de gaz et d’électricité atteignaient au moins 3 % de leur chiffre d’affaires en 2021, et qui connaissent un doublement de leur coût unitaire d’achat (en €/MWh).

Une prise en charge partielle de l’augmentation du coût des énergies. Le dispositif compense partiellement (entre 30 et 70 % selon la situation de l’entreprise) des surcoûts de dépenses de gaz ou d’électricité par rapport à 2021 au-delà de ce doublement. L’aide est égale à :

. 30 % des coûts éligibles, et plafonnée à 2 M€, pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) de 30 % par rapport à 2021 ;
· 50 % des coûts éligibles, et plafonnée à 25 M€, pour les entreprises dont l’EBE est négatif et dont le montant des pertes est au plus égal à deux fois les coûts éligibles. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes ;
· 70 % des coûts éligibles, et plafonnée à 50 M€, pour les entreprises qui respectent les mêmes critères que précédemment, et qui exercent dans un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale (comme la pêche, l’agriculture, le BTP ou les transports). L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes.

Une demande trimestrielle. La subvention peut couvrir la période du 1er mars.2022 au 31 août 2022. Toutefois, la demande doit se faire par trimestre : la première période éligible concerne les mois de mars, avril et mai 2022 ; la seconde les mois de juin, juillet et août 2022.

Entre le 4 juillet 2022 et le 18 août 2022 pour la période mars à mai 2022. Pour la première période, les entreprises peuvent déposer leur demande jusqu’au 18 août 2022.

Entre le 15 septembre 2022 et le 30 octobre 2022 pour la période de juin à août 2022. Pour les demandes au titre de la seconde période éligible, c’est à dire pour les mois de juin, juillet et août 2022, il est précisé qu’elles devront être déposées entre le 15 septembre 2022 et le 30 octobre 2022.

Comment ? La demande doit être effectuée sur l’espace professionnel du site https://www.impots.gouv.fr.

Des justificatifs. La demande doit être accompagnée des justificatifs suivants :

1° Une déclaration sur l’honneur attestant que l’entreprise remplit les conditions prévues pour bénéficier de la subvention (un modèle de déclaration sur l’honneur est disponible sur le site www.impots.gouv.fr).

2° Une attestation d’un expert-comptable, tiers de confiance (ou du commissaire aux comptes le cas échéant) mentionnant : les informations attestant que l’entreprise remplit les conditions d’éligibilité de l’aide ; le montant de l’aide demandé et les informations portant sur son calcul ; le cas échéant, le montant d’aide obtenu au titre d’une précédente période éligible trimestrielle, qu’il ait été effectivement perçu ou non ; et le numéro professionnel de l’expert-comptable. Un modèle d’attestation est également disponible sur le site www.impots.gouv.fr.

3° Le fichier de calcul de l’aide conforme au modèle établi par la direction générale des finances publiques et disponible sur le site www.impots.gouv.fr.

4° Le fichier de calcul de l’excédent brut d’exploitation gaz et électricité conforme au modèle établi par la direction générale des finances publiques et disponible sur le site www.impots.gouv.fr.

5° La balance générale de l’année 2021 et la balance 2022 de la période éligible trimestrielle considérée.

6° Toutes les factures de chaque énergie portant sur la période éligible trimestrielle considérée et la période de référence utilisées par l’entreprise pour le calcul de l’aide, ainsi qu’une liste récapitulant les factures correspondantes dûment référencées et les données utilisées dans ces factures, en particulier le prix unitaire moyen payé par l’entreprise pour chaque énergie pendant la période de référence et pendant chaque mois de la période éligible considérée, et le volume consommé pour chaque énergie pendant la période de référence et pendant chaque mois de la période éligible trimestrielle considérée ; un modèle de liste est disponible sur le site www.impots.gouv.fr.

7° Les coordonnées bancaires de l’entreprise.

Prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 des aides exceptionnelles à l’alternance

L’État a décidé de prolonger de 6 mois l’aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis ou de jeunes de moins de 30 ans en contrat professionnalisation mise en place en raison de la crise sanitaire. Cette aide, qui s’appliquait en dernier aux contrats conclus jusqu’au 30 juin 2022, couvre donc désormais les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2022.

Pour rappel, ce dispositif permet aux employeurs, sous certaines conditions (niveau du titre ou diplôme préparé, quota d’alternants pour les employeurs de 250 salariés et plus, etc.), de bénéficier, pour la première année du contrat, d’une aide de qui s’élève à 5 000 € maximum pour un apprenti ou un salarié en contrat de professionnalisation de moins de 18 ans et à 8 000 € maximum pour les personnes d’au moins 18 ans.

Pour les contrats d’apprentissage conclus par des employeurs de moins de 250 salariés visant des diplômes inférieurs au niveau 5 (soit de CAP à bac) ou, dans les DOM, au niveau 6 (soit de CAP à bac + 2), l’aide exceptionnelle passe par le circuit de l’aide unique à l’apprentissage de droit commun, dont le montant est porté de 4 125 € à 5 000 € ou 8 000 € pour la première année d’exécution du contrat. Ces montants dérogatoires sont logiquement étendus aux contrats d’apprentissage conclus jusqu’au 31 décembre 2022.

Licenciement économique lié à une baisse du chiffre d’affaires

Pour justifier un licenciement par des difficultés économiques, l’entreprise peut mettre en avant « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ». S’agissant du recul des commandes ou du chiffre d’affaires, la baisse doit être « significative ». Ce critère varie en fonction de l’effectif. Ainsi, pour une entreprise de moins de 11 salariés, cette baisse doit être au moins égale à 1 trimestre, en comparaison avec la même période de l’année précédente.

En pratique. Il faut comparer la période au cours de laquelle le contrat de travail a été rompu, avec la même période de l’année précédente. Et, si jamais la situation s’est légèrement améliorée juste avant la rupture, impossible de retenir le motif économique pour licencier en invoquant une chute du chiffre d’affaires.

Assigner un client à temps

Face à un impayé, il ne faut pas trop tarder à agir car la prescription court et vous risquez, si vous vous y prenez trop tard, de ne plus pouvoir poursuivre votre débiteur en justice. Une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR) ne permet pas d’interrompre cette prescription.

Illustration. À compter du 1er janvier 2011, un médecin cesse de régler les loyers d’un matériel laser qu’il loue. Le 12 octobre 2016, le loueur finit par lui réclamer en justice la totalité des impayés. Le médecin affirme que les loyers dûs plus de 5 ans avant l’assignation en justice ne peuvent plus lui être réclamés du fait de la prescription quinquennale. Sa condamnation ne doit donc, selon lui, porter que sur les loyers impayés depuis le 12 octobre 2011. Pour réfuter cet

argument, le loueur invoque deux mises en demeure de payer, reçues par le médecin les 27 avril 2011 et 3 avril 2013, pour les loyers dus à compter du 1er janvier 2011. À ses yeux, au jour de l’assignation, le 12 octobre 2016, la prescription ayant été interrompue deux fois, le médecin ne pouvait pas s’en prévaloir. C’est le médecin qui obtient gain de cause : une mise en demeure, même envoyée par LRAR, n’interrompt pas le délai de prescription d’une action en paiement des loyers.

Conseil. Lorsque le délai de prescription (d’une durée variable selon les cas de figure) est près de toucher à sa fin, le créancier a tout intérêt à assigner son débiteur en justice directement, même sans mise en demeure préalable.

Recrutement : à quel moment êtes-vous engagé envers le candidat ?

 

Recruter un salarié est un processus parfois long. Au cours de cette période, certaines propositions que vous faites au candidat, que ce soit en termes de contrat ou de rémunération, vous engagent.

Promettre un contrat de travail

Proposer de conclure ou non le contrat.

Lorsque, après avoir déterminé avec un candidat à l’embauche son emploi, sa rémunération et sa date d’entrée en fonction, vous lui laissez la faculté de conclure ou non le contrat de travail, vous formulez, juridiquement parlant, une « promesse unilatérale de contrat de travail » (voir encadré).Cette promesse vous engage, et si vous faites machine arrière durant la période laissée au candidat pour opter, vous pouvez être condamné pour rupture abusive du contrat de travail.

Pourparlers toujours en cours.

En revanche, si les discussions sont en cours, il ne peut y avoir promesse de contrat. Une candidate à l’embauche l’a ainsi appris à ses dépens. Elle a en effet retourné à l’employeur le 23 décembre 2014 un projet de contrat de travail qui prévoit une entrée en fonction le 22 janvier 2015. Elle a aussi renvoyé un avenant relatif à la part variable de sa rémunération, qu’elle n’a pas signé. Les pourparlers se sont donc poursuivis à propos de cette part variable. Dans ces conditions, lorsque l’employeur a fini par retirer sa proposition, la salariée ne pouvait pas lui reprocher une rupture abusive du contrat de travail.

Annoncer des avantages salariaux

Une prime annoncée à l’embauche.

Une société projetant de racheter le fonds de bureau d’étude technique et d’ingénierie de M. X signe avec lui une lettre d’intention en juin 2015. Cette lettre prévoit, qu’une fois embauché après cette cession, il percevra un salaire mensuel ainsi qu’une prime annuelle.

L’acte de cession est conclu en octobre 2015 et M. X est engagé le même jour comme responsable ingénieur commercial dans le cadre d’un CDI prenant effet le 2 novembre 2015. Ce contrat prévoit le versement d’un salaire mensuel de 6 000 €, d’une prime de vacances et de primes d’assiduité.

Deux ans plus tard, M. X démissionne et réclame en justice le paiement de primes annuelles calculées sur le chiffre d’affaires réalisé, prévues dans la lettre d’intention mais pas dans son contrat de travail, et qui ne lui ont pas été versées.

Intention ne vaut pas promesse.

Pour les juges, la réponse se fait en deux temps :

-si le contrat de travail ne reprend pas l’engagement contenu dans la lettre d’intention de payer une prime annuelle, cette prime n’est pas due au salarié ;

-toutefois, cette prime est due si le salarié parvient à prouver que l’employeur s’est engagé, d’une autre façon, à lui payer cette prime.

DISTINGUER OFFRE ET PROMESSE

Contrairement à la « promesse » de contrat, qui vous engage, « l’offre » de contrat vous autorise à faire marche arrière tant que le candidat ne l’a pas acceptée. Il faut donc bien les distinguer, ce qui n’est pas toujours aisé, dans la mesure où elles ont a priori le même contenu : elles mentionnent toutes deux l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction. Ce qui permet de les différencier, c’est un élément « subjectif », à savoir votre volonté d’être engagé par un contrat (dans le cas de la promesse) ou non (dans le cas de l’offre). D’où l’importance de bien réfléchir aux termes employés dans la proposition d’emploi, afin que ceux-ci reflètent votre volonté réelle.

Quelle liberté d’entreprendre après une cession de parts ?

 

Vous avez vendu vos parts. Êtes-vous libre de lancer une nouvelle activité ? Tout dépend.

Vous avez cédé les parts de votre société. Rien ne vous empêche de démarrer une nouvelle activité, en principe. Car en pratique, il arrive qu’à l’occasion d’une cession de titres, le vendeur s’engage à ne pas faire concurrence à l’acquéreur. La validité d’un tel engagement obéit à des conditions différentes selon que le vendeur est salarié ou pas. En effet, l’obligation de non-concurrence d’un salarié est nulle en l’absence de contrepartie financière.

Le cas particulier de la cession de société

Une clause de non-concurrence prévue dans un contrat de cession de parts ne nécessite pas de contrepartie financière au profit du vendeur. Sauf s’il est salarié au jour de la cession.

Illustration.

Un associé et gérant d’une SARL vendant et réparant du matériel informatique vend ses parts à une autre société. L’acte de cession comporte une clause de non-concurrence par laquelle le vendeur s’engage à ne pas s’intéresser pendant 7 ans à une activité portant sur de tels produits dans 3 régions. Dans ce même acte, la société acquéreure s’engage de son côté à embaucher le vendeur à date du jour de la vente, ce qu’elle fait. Le contrat de travail du vendeur prévoit une nouvelle clause de non-concurrence. Licencié 2 ans plus tard, le vendeur en est libéré. Pour autant, il demande l’annulation de la première clause de non-concurrence prévue dans l’acte de cession, pour absence de contrepartie financière. Il soutient que la promesse d’embauche figurant dans l’acte valait contrat de travail, ce qui lui conférait la qualité de salarié au jour de son premier engagement de non-concurrence. Argument rejeté : la promesse d’embauche ne valant pas contrat de travail, aucune contrepartie financière n’était nécessaire.

Conseil.

L’associé et dirigeant non salarié qui vend les titres de sa société a tout intérêt à prévoir dans l’acte de cession une contrepartie financière si l’acquéreur lui demande de signer une clause de non-concurrence.

La concurrence déloyale reste condamnable

Qu’une clause de non-concurrence soit valable ou nulle, l’acheteur des titres pourrait toujours agir contre le vendeur en concurrence déloyale, à condition bien sûr d’en rapporter la preuve.

Histoire vraie

Un gérant associé et salarié d’une SARL démissionne de son mandat, cède ses parts et s’engage à ne pas concurrencer l’acheteur, sans contrepartie financière. Un mois après la rupture conventionnelle de son contrat de travail, il crée une nouvelle société dont il devient gérant et associé unique. L’acheteur a pu être indemnisé par le vendeur en dépit de la nullité de la clause pour défaut de contrepartie financière. Il a en effet prouvé que le vendeur avait commis des fautes graves de concurrence déloyale reposant sur des faits distincts de la seule violation de son engagement de non-concurrence.

Généralisation de la facturation électronique et transmission des données de transaction

 

L’article 3 du projet de loi a pour objectif de généraliser la facturation électronique dans les transactions domestiques entre assujettis à la TVA. Cette réforme comporte deux axes principaux :

– le premier axe correspond à l’obligation d’émission et de réception de factures sous format électronique : on parle de e-invoicing. L’objectif est avant tout de dématérialiser les factures pour qu’elles puissent comporter des données structurées, c’est-à-dire des données qui constituent un socle de mentions et qui suivent une norme convenue entre les parties pour satisfaire aux exigences de l’EDI (l’échange de données informatisé) ;
– le second axe correspond à l’obligation de transmission des informations et des données de paiement : on parle alors de e-reporting. Il s’agit pour une entreprise de transmettre à l’administration fiscale toutes les informations qui ne s’intègrent pas dans le champ de la facturation.

Les principaux objectifs de cette nouvelle obligation sont :

– le renforcement de la compétitivité des entreprises grâce à la diminution de la charge administrative de constitution, d’envoi et de traitement des factures au format papier ainsi qu’à la sécurisation des relations commerciales ;
– la lutte contre la fraude fiscale ;
– la facilitation, à terme, des déclarations de TVA par le pré-remplissage.

Cette mesure a pour objectif de légaliser le contenu de l’ordonnance 2021-1190 du 15-9-2021 relative à la généralisation de la facturation électronique. La réforme, d’ores et déjà connue des entreprises, n’avait pas pu être ratifiée lors de la loi de finances pour 2022 compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel (Cons. const.  28-12-2021 n° 2021-833 DC). Toutefois, l’administration a avancé sur la mise en œuvre de ce vaste chantier en mettant régulièrement à jour une « Foire aux questions » dédiée à cette problématique et disponible sur le site impots.gouv.fr.

Obligation de facturation électronique (e-invoicing) 

L’obligation d’émission et de réception de factures sous format électronique (e-invoicing) concernerait l’ensemble des opérations d’achat et de ventes de biens et/ou de prestations de services réalisées entre assujettis à la TVA qui sont établis, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France dès lors qu’il s’agit d’opérations effectuées sur le territoire national. Il s’agit, en pratique, des transactions dites « Business to business » (B2B).

Les opérations bénéficiant d’une exonération de TVA (CGI art. 261 à 261 E) ne sont pas soumises à l’obligation de facturation électronique.

Obligation de transmission des données de transaction (e-reporting) 

Toutes les entreprises assujetties à la TVA qui sont établies en France seraient concernées par le e-reporting lorsqu’elles réalisent des opérations avec des clients particuliers (opérations « Business to consumer » B2C) ou avec des opérateurs étrangers (entreprises ou particuliers).

Les opérations concernées par la transmission d’information seraient celles listées à l’article 290 du CGI, c’est-à-dire des opérations de vente et de prestation de services avec des particuliers (« B2C ») ou avec des opérateurs établis à l’étranger (exportations, livraisons intracommunautaires…).

Le projet de loi précise que les assujettis non établis en France ou leur représentant lorsqu’ils sont tenus d’en désigner un (CGI art. 289 A) doivent transmettre à l’administration par voie électronique des informations relatives aux livraisons de biens et prestations de services situées en France pour lesquelles ils sont redevables de la TVA lorsque le destinataire ou le preneur est un assujetti ou un non assujetti, à l’exception de celles pour lesquelles l’assujetti se prévaut de régimes particuliers.

Les assujettis concernés communiqueraient à l’administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures électroniques qu’ils émettent. Pour cela, les données de facturation émises par les assujettis ayant recours au portail public de facturation (Chorus Pro) seraient transmises par ce dernier à l’administration. Les données de facturation émises par les assujettis ayant recours à une autre plateforme de dématérialisation seraient transmises par l’opérateur de plateforme de dématérialisation au portail public de facturation qui les communique à l’administration.

Les transmissions de données s’effectueraient par voie électronique selon une périodicité, dans des conditions et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

Obligation de transmission des données de paiement

Par ailleurs, le texte prévoit, pour les assujettis qui réalisent des opérations de prestation de services relevant du champ de l’obligation de facturation électronique ou de e-reporting, une obligation de transmission des données de paiement.

Dans le cas des prestations de service dont la TVA est exigible à l’encaissement, ces données sont indispensables au pré-remplissage des déclarations de TVA.

Modalités de transmission des données

Le projet de loi prévoit les modalités de transmission, selon les cas, des données de facturation, des données de transaction et des données de paiement.

Pour satisfaire à ces obligations, les entreprises seraient libres de recourir :

– au portail public de facturation (Chorus Pro : https://portail.chorus-pro.gouv.fr/aife_csm/?id=aife_csm_category&category_id=860d0fdf1bfee41088bb6280604bcbe2) ;
– ou à une plateforme de dématérialisation dans le respect des règles de concurrence.

Sanction en cas de non-respect des obligations

Un dispositif de sanction est prévu en cas de non-respect, par les entreprises concernées, de leurs obligations d’émission et de transmission et, par les plateformes de dématérialisation immatriculées, de leurs obligations de transmission.

Sanction en cas de non-respect de l’obligation d’émission.

Le non-respect par l’assujetti de l’obligation d’émission d’une facture sous une forme électronique donnerait lieu à l’application d’une amende de 15 € par facture, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse être supérieur à 15 000 €.

Toute omission ou manquement par un opérateur d’une plateforme de dématérialisation aux obligations de transmission de données donnerait lieu à une amende de 15 € par facture mise à la charge de cette plateforme, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse être supérieur à 45 000 €.

Sanction en cas de non-respect de l’obligation de transmission.

Le non-respect par l’assujetti de l’obligation de transmission donnerait lieu à l’application d’une amende égale à 250 € par transmission, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse être supérieur à 15 000 €.

Le non-respect par un opérateur de plateforme de dématérialisation des obligations de transmission donnerait lieu à une amende de 750 € par transmission, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse être supérieur à 45 000 €.

Ces amendes ne seraient pas applicables en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des 3 années précédentes, lorsque l’infraction a été réparée spontanément ou dans les 30 jours d’une première demande de l’administration.

Calendrier d’entrée en vigueur de la réforme

Comme l’administration l’avait déjà indiqué dans sa « Foire aux questions » consacrée à la facturation électronique, la réforme serait mise en place de manière progressive, en fonction de la taille des entreprises :

– au 1-7-2024 pour les grandes entreprises ;
– au 1-1-2025 pour les établissements de taille intermédiaire (ETI) : effectif inférieur à 5000 personnes dont le CA annuel n’excède pas 1 500 M€ ou dont le total de bilan n’excède pas 2 000 M€ ;
– et au 1-1-2026 pour les TPE-PME : effectif inférieur à 250 personnes dont le CA annuel n’excède pas 50 M€ ou dont le total de bilan n’excède pas 43 M€.

L’obligation de réceptionner des factures sous format électronique serait obligatoire au 1-7-2024 pour toutes les entreprises et quelle que soit leur taille. 

 

Diriger sans risque d’être attaqué pour faute de gestion

 

Le dirigeant n’est pas à l’abri de se voir reprocher une faute de gestion, ce qui l’expose à diverses conséquences, telles qu’une révocation ou l’obligation de combler une insuffisance d’actif.

La faute de gestion : une notion variable

Accepter un mandat de dirigeant de société n’est pas sans risques, le plus souvent d’ordre pécuniaire, voire pénal si les faits constituent des délits. Le dirigeant doit veiller autant que possible à ce que sa gestion ne puisse être considérée comme fautive par la société, des associés ou des tiers. Au cas contraire, il pourrait, entre autres, être révoqué ou avoir à combler une insuffisance d’actif de la société en cas de liquidation judiciaire. Encore faut-il établir cette faute de gestion, ce qui n’est pas toujours simple : aucune loi ne définissant cette notion, ce sont les juges qui l’ont peu à peu forgée. Appréciée au vu des faits, elle peut aller, selon les cas, d’une simple négligence ou imprudence à des manœuvres frauduleuses caractérisées. En voici deux illustrations.

Un manque de vigilance non fautif

Lorsque la liquidation judiciaire d’une société fait apparaître une insuffisance d’actif, son dirigeant peut être condamné personnellement à combler tout ou partie du passif s’il a commis une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance. Une simple négligence ne suffit pas, comme le démontre l’affaire ci-dessous.

Un dirigeant a été condamné à régler 300 000 € au titre de l’insuffisance d’actif pour avoir manqué de vigilance en engageant la société dans une activité reposant sur un seul client. Ce dernier a ensuite rompu ses relations commerciales avec la société provoquant sa mise en liquidation. Les juges considèrent tout d’abord que ce manque de vigilance dépassait la simple négligence et caractérisait une faute de gestion. Après un nouveau recours, le dirigeant est finalement mis hors de cause. Pour les juges saisis, en adaptant la capacité de production de la société aux demandes du client unique, dans un secteur d’activité et à une période où le dirigeant pouvait légitimement croire à l’expansion de la société, ce dernier a seulement fait preuve d’un manque de vigilance, ce qui n’est pas une faute de gestion.

Une omission fautive

Si la révocation d’un gérant de SARL est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Une SARL décide de révoquer son gérant sans indemnité, après avoir découvert d’importantes malversations commises à son préjudice par un employé au moyen de fausses factures. Pour appuyer sa décision, la société reproche au gérant d’avoir commis une faute de gestion en ne décelant pas les détournements du salarié. Estimant avoir été révoqué sans juste motif, le gérant assigne la société en justice pour demander des dommages et intérêts. Selon lui, elle ne pouvait pas le blâmer de n’avoir pas contrôlé les factures irrégulières alors que, compte tenu du grand nombre de factures générées par la société, il ne pouvait pas toutes les vérifier.

Argument rejeté. Pour les juges, dans cette situation, la faute de gestion peut résulter du fait que le gérant n’a pas mis en place un système de contrôle permettant de vérifier, parmi toutes les factures qui lui étaient présentées, la régularité de celles correspondant aux opérations les plus importantes.

Mode d’emploi pour recourir à un prestataire en toute sécurité

 

En faisant appel à un travailleur indépendant, vous devez rester dans les clous de la prestation de services. Il existe un réel risque de requalification en contrat de travail s’il est établi qu’il y a un « lien de subordination » entre vous.

Vous devez être vraiment très attentif sur la façon dont la tâche confiée s’exécutera, notamment en quoi le prestataire conservera une liberté d’agir certaine. Trois affaires récemment tranchées en justice démontrent cependant que l’existence d’un lien de subordination juridique permanente n’est pas toujours facile à démontrer.

Un « lien de subordination » à éviter à tout prix

Lorsque vous avez recours aux services d’une personne inscrite au registre du commerce (RCS) ou au répertoire des métiers, vous êtes son « donneur d’ordre ». Dans cette situation, vous êtes présumé ne pas être lié avec elle par un contrat de travail. Mais ce prestataire lui-même ou un service de contrôle (ex. : URSSAF) peut toujours démontrer que votre relation professionnelle relève en réalité du salariat. Si tel est le cas, les juges prononceront une « requalification » de la relation en contrat de travail, avec pour vous de sérieuses conséquences financières à la clé (voir encadré).

Au cœur du sujet, se trouve le « lien de subordination ». En effet, l’existence d’un contrat de travail peut être établie si votre prestataire fournit ses services dans des conditions qui le placent dans un « lien de subordination » permanent à votre égard. Concrètement, cela se caractérise par le pouvoir de votre côté de :

  • donner des ordres et des directives ;
  • contrôler l’exécution du travail ;
  • en sanctionner les manquements.

Pour éviter tout risque, il faut donc veiller à ce que ce type de lien ne se tisse pas entre votre prestataire et vous-même.

Exemple.

Le fait que le prestataire travaille dans un service organisé au sein de la structure du donneur d’ordre, qui détermine lui-même les conditions d’exécution du travail, peut être un indice du lien de subordination. C’est notamment sur cette base que les juges ont déjà estimé que des formateurs immatriculés en tant qu’« auto-entrepreneurs » étaient, en réalité, des salariés

Un agent commercial non salarié très impliqué chez son client

Un agent inscrit au registre des agents commerciaux travaillait exclusivement pour une société qui le rémunérait forfaitairement. Il participait aux réunions qu’elle organisait, en particulier celles sur la stratégie commerciale et les points d’activité.

Dans le cadre d’un contrôle, l’URSSAF avait considéré que ces éléments permettaient de caractériser un lien de subordination, d’autant que les missions de l’intéressé avaient, par la suite, été confiées à un salarié recruté en CDI en tant que chef de secteur. Mais, dans une récente décision de 2022, les juges ont rejeté ces arguments. Ils ont exclu l’existence d’un lien de subordination

D’ailleurs, les juges en étaient arrivés à la même conclusion en octobre 2020 s’agissant d’un entrepreneur individuel payé au forfait, avec un seul client, qui intervenait régulièrement pour encadrer les salariés du chef d’entreprise en son absence et qui devait lui rendre compte de son suivi des chantiers chaque semaine

Quel statut pour les travailleurs de plateformes ?

La question de l’existence ou non d’un lien de subordination entre les plateformes numériques et leurs utilisateurs avait fait parler d’elle devant les tribunaux il y a quelques années. La justice avait alors estimé que les coursiers à vélo de Take Eat Easy étaient des salariés , de même les chauffeurs employés par la plateforme Uber . Cette question est récemment revenue sur le devant de la scène, dans deux affaires qui concernaient une plateforme VTC et une start-up spécialisée dans le « crowd marketing ».

Des chauffeurs VTC.

Un chauffeur VTC avait saisi les juges pour faire requalifier en contrat de travail la relation le liant avec la plateforme numérique « Le Cab ». Il mettait notamment en avant les éléments suivants :

  • les prestations s’effectuaient dans le cadre d’un service organisé ;
  • il n’avait pas le libre choix de son véhicule ;
  • la plateforme fixait le montant des courses et modifiait unilatéralement leur prix ;
  • la plateforme contrôlait en permanence son activité via le GPS et disposait d’un pouvoir de sanction à travers le système de notations opérées par les clients.

Pour autant, la justice a estimé que ces conditions de travail ne caractérisaient pas un lien de subordination. En effet, le chauffeur ne démontrait pas que la plateforme lui avait adressé des directives sur les modalités d’exécution du travail, ni qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation

Des spécialistes du crowd marketing.

La société Clic and Walk est spécialisée dans le « crowd marketing ». Les « clicwalkers » sont des particuliers qui effectuent diverses missions pour cette société (ex. : fournir des informations sur leurs habitudes de consommation, émettre un avis, vérifier en magasin la présence, le prix et la visibilité des produits de la société). Leur participation s’effectue sur la base du volontariat et ils perçoivent une gratification en points-cadeaux ou en numéraire.

Pour la justice, il n’y a pas de lien de subordination entre la plateforme et les utilisateurs. Ils sont en effet libres d’abandonner les missions en cours d’exécution, ne reçoivent aucune instruction ou consigne, et la société ne contrôlant pas l’exécution de ses directives, elle ne peut donc pas en sanctionner les manquements

CONTRAT DE TRAVAIL AVÉRÉ : ADDITION SALÉE

En cas de requalification en contrat de travail, en tant que donneur d’ordre, vous vous exposez à devoir verser des rappels de salaire, ainsi qu’à des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si vous avez cessé de procurer du travail à votre prestataire.

Il vous faudra également verser à l’URSSAF les cotisations sociales patronales correspondant aux salaires dus.

S’agissant du montant des rappels de salaire, les juges ne retiennent pas nécessairement la clause contractuelle fixant le taux horaire de la prestation de service. Faute d’autres éléments permettant de caractériser un accord sur le montant de la rémunération, c’est au juge de déterminer ce montant (par exemple, en se fondant sur les grilles de salaire de la convention collective applicable) Enfin, vous vous exposez à des poursuites pénales pour travail dissimulé. Ces sanctions peuvent aller jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

 

Bonnes vacances à tous